Aujourd’hui, je reçois sur mon blog un invité prestigieux qui m’a fait l’honneur de rédiger “notre” sixième anecdote hôtelière, en la personne de Didier Decoin. Journaliste au début de sa carrière, la littérature, sa passion première, le rattrape et Didier Decoin devient romancier et scénariste. Il a publié, depuis, plus de 40 romans ou essais dont « John L’Enfer » pour lequel il reçut, en 1977, le prix Goncourt. Ses deux derniers opus sont « Est-ce ainsi que les femmes meurent ? » chez Grasset et le « Dictionnaire amoureux de la Bible » chez Plon. Au cinéma, il travaille avec Marcel Carné, Robert Enrico, Henri Verneuil ou encore Maroun Bagdadi avec qui il recevra, pour le film “Hors-la-vie”, le prix spécial du jury au festival de Cannes. Il est également l’auteur de très nombreux scripts originaux et d’adaptations pour la télévision comme, notamment, « Le Comte de Monte-Cristo ». Secrétaire général de l’Académie Goncourt, Didier Decoin nous fait partager un moment poétique passé dans un hôtel du Sud de la France.
Merci à lui pour ce voyage jubilatoire…
Didier MOINEL DELALANDE
« L’hôtel dans les nuages »
De grandes moustiquaires retenues au plafond s’évasaient en jupons sur les lits, diffusant au moindre frémissement une petite odeur de tulle chaud et de safran, il y avait des cigales et des étoiles filantes, c’était l’été, j’avais seize ans, j’étais amoureux d’une longue fille brune dont le père et la mère avaient (imprudemment ?) choisi le même hôtel que nous. Je revois l’ocre des murs qui s’accordait si bien aux ors un peu sauvages de l’Esterel, l’immense parc dont les chemins tapissés d’aiguilles de pin descendaient jusqu’à la mer, je revois surtout la jolie fille.
C’était à Théoule, dans les années soixante, à l’hôtel de la Galère, base avancée qu’avait élue mon père, Henry Decoin, pour les repérages de son prochain film, Le Masque de Fer, dont les extérieurs devaient être filmés au-dessus de Nice, à Sospel, à Peira-Cava et aux îles de Lérins. Parmi les innombrables et jubilatoires avantages que je trouvais à avoir un papa cinéaste, il y avait le fait que notre lieu de vacances était presque toujours conditionné par les tournages paternels : c’est ainsi que nous fîmes escale à Torremolinos pour les prises de vues des Amants de Tolède, à Nice pour La Vérité sur Bébé Donge, à Noirmoutier pour Maléfices, à Roquefort pour Le Feu aux poudres, et sans une stupide dévaluation de la piastre (c’était alors l’unité monétaire de l’Indochine française), nous aurions passé six mois à bord d’une jonque amarrée dans le delta du Mékong. Mon père avait un don exceptionnel pour les hôtels. Je n’ai jamais su comment diable il s’y prenait, mais le fait est qu’il en faisait surgir d’ahurissants – tel cet hôtel Alhamar, au sud de l’Espagne, aujourd’hui disparu (ou alors tellement refondu que devenu méconnaissable), gigantesque pièce montée d’une blancheur indécente que prolongeait une plage de chardons bleus, improbable palace encore inachevé où les robinets ne distribuaient que de l’eau de mer, où le seul lait utilisé par les cuisines était le lait de chèvre, certes délicieux en fromage mais effroyable dans le café, les îles flottantes, les crèmes glacées, les flans, les mousses et les soufflés. Après quinze jours de ce régime, mon père protesta. On lui promit de faire droit à sa réclamation. Et en effet, à dater de ce jour, tous les plats – je dis bien tous, pain compris – qui n’étaient pas du gazpacho, du poivron à l’huile ou de la paëlla, furent violemment parfumés à la cannelle.
Mais revenons à notre envoûtante Galère. L’hôtel, je crois, existe toujours ; mais entièrement refait et redécoré, peut-être n’a-t-il plus cette rusticité si élégante – ce qui n’est pas antinomique, pas là-bas en tout cas – de l’ancienne Galère qui, nonobstant sa fonction hôtelière, donnait à ses clients l’impression romantique d’être les fantômes heureux et comblés du château du XIXème qu’elle avait été d’abord ; et l’on n’était pas loin de s’attendre à rencontrer, au détour d’un couloir, l’ombre ravissante d’Isadora Duncan, morte sur la route de Nice, étranglée par son écharpe de soie au volant de sa Bugatti.
Un soir à l’heure apéritive, alors que le grand parc (plus de vingt hectares si ma mémoire est bonne), glissait dans ce mauve pré-crépusculaire des rivages méditerranéens, je m’étais accoudé à une rambarde dominant le chemin de la mer que venait de remonter la jeune fille brune, et je rêvais au goût forcément délicieux que devait avoir sa bouche. De l’hôtel descendait jusqu’à moi le brouhaha lointain de gens heureux, ponctué de rires brefs, d’interjections, du tintement des verres – un peu comme des fêtes lointaines clignotant au-dessus du monde réel à la façon des étoiles.
C’est alors qu’une voix d’homme, derrière moi, dit :
– Il semble que vous l’ayez repéré, vous aussi…
Un progrès technologique très appréciable consistera à ce que notre ouïe perçoive la présence du e muet qui, dans les participes passés ou les adjectifs en é ou è, signale un accord avec un sujet féminin. Je crus que l’homme avait dit repérée, et qu’il faisait donc allusion à la jeune fille aux longs cheveux sombres. Je jugeai cette allusion déplacée et haussai les épaules.
– Et naturellement, continua la voix, vous vous demandez ce qu’il va lui arriver.
Il allait lui arriver qu’elle serait embrassée par moi avant la fin de notre séjour à Théoule, rien n’était plus certain ; mais quoi qu’il en soit, cela ne regardait en rien mon interlocuteur.
– A mon avis, poursuivit ce dernier, il va être dévoré par l’autre, le gros gris tout boursouflé qui s’est embusqué juste derrière les îles – le voyez-vous ?
Or donc, ce n’était pas « elle » mais « il » – de qui diable voulait-il parler ? Je me retournai pour voir à qui j’avais affaire. C’était un homme qui portait des vêtements bien coupés, sans doute très coûteux. Son regard pétillait sous un front assez grand, de part et d’autre d’un nez qui ne cherchait pas à se cacher. Il avait une moustache singulière, taillée en arc de cercle comme pour agrandir son sourire à fossettes.
– Je parle de ce nuage, reprit-il en tendant le doigt en direction d’une toute petite boule cotonneuse et blanche suspendue au-dessus des îles de Lérins comme le pof de fumée d’un signal indien. Ne dirait-on pas qu’il a perdu sa mère ? Cela arrive chez les nuages comme chez les gens. Mais il se pourrait aussi qu’au lieu d’être un enfant nuage, ce soit un nuage nain. J’avoue qu’un nuage nain aurait ma préférence. Aimez-vous les nuages, mon jeune ami ?
Je ne m’étais jamais posé la question. Je vivais fort bien sans me soucier des nuages, sauf évidemment quand ils crevaient, qu’il me pleuvait dessus et que, ce jour-là, j’avais oublié mon parapluie. Mais je n’allais pas raconter tout ça à cet inconnu – un type un peu envahissant, non ? Alors, de nouveau, je répondis par un haussement d’épaules.
– Et les nains ? fit l’homme.
– Quoi, les nains ?
– Que pensez-vous des nains ? Moi, ils m’attendrissent.
Encore un quart d’heure, et la nuit allait prendre possession du jardin tout entier. Déjà les oiseaux étaient moins nombreux à chanter, ou alors ils chantaient moins fort pour ne pas réveiller ceux d’entre eux qui s’étaient déjà nichés et endormis – je sais, je prête des intentions, presque des sentiments, aux oiseaux, mais qui vous dit qu’ils n’en ont pas ? A présent, toutes les fenêtres de l’hôtel étaient allumées, derrière l’écran doré desquelles passaient les silhouettes des clients qui s’apprêtaient à gagner le restaurant. La jolie fille brune se profila la dernière, il me sembla qu’avant d’éteindre la lumière de sa chambre elle avait jeté un bref regard en direction du parc.
Sans doute découragé par mon mutisme, l’homme risqua encore quelques digressions à propos du problème du nanisme chez les nuages, chez les humains, et même chez les personnages des dessins animés.
Ce dernier point donnant à son discours un côté absurde, complètement décousu, je lui rétorquai sèchement que je n’avais plus l’âge d’aller voir des petits Mickey.
Alors le pétillement dans ses yeux se transforma en une flaque d’eau morne, laissant flotter un regard triste, un regard de chien qu’on congédie.
– Eh bien, murmura-t-il, je suppose que tout ça n’a pas d’importance. Je ne voulais pas vous importuner. Si c’est le cas, veuillez m’en excuser.
Et il s’éloigna, et les ténèbres finirent d’envahir le parc. Le petit nuage fut absorbé par une forte houle de nuées violacées, enflées comme des bubons prêts à éclater. Et qui d’ailleurs éclatèrent : un orage était sur nous.
L’électricité ayant sauté, le personnel avait allumé des
bougies sur chaque table. Après un pic dû à l’excitation fébrile qui accompagne les orages, les conversations étaient retombées. A deux tables de la nôtre, la jeune fille brune bâillait, révélant le dedans de sa bouche mouillée, et sa langue large, plate, d’un rose incomparable.
C’est alors qu’une silhouette s’interposa, me masquant la jolie somnolente. C’était le fâcheux de tout à l’heure, l’hurluberlu au petit nuage.
Très curieusement, mon père s’était aussitôt levé pour serrer la main que l’autre lui tendait. Ils conversèrent un moment, à voix plutôt basse. La plupart des convives les regardaient. Certains souriaient. Moi, je n’écoutai pas. Bah ! des histoires de nuages, sans doute. Rien à foutre.
Et puis cet homme agita la main et s’éloigna. Bon débarras, pensai-je. Et de nouveau je fixai mon regard sur la jeune fille.
– Il rentre à Nice, dit mon père en suivant l’inconnu des yeux. Il loge au Négresco, je crois. Il n’est en France que pour quelques jours.
– Pour un film ? s’enquit ma mère qui tamponnait ses yeux comme si quelque chose d’assez rare venait de traverser sa vie.
– Produit par ses studios, oui, confirma mon père. Ils en parlent dans le Nice Matin d’aujourd’hui. Ça raconte le voyage en France d’une famille américaine. La femme, c’est Jane Wyman – tu sais, elle jouait le personnage de Gracie Harris dans Night and Day (papa raffolait de ce film). Dommage qu’il ait été si pressé de rentrer à Nice, ajouta mon père en se tournant vers moi, tu aurais adoré parler avec lui. Ça n’est pas donné à tout le monde. Il a une sorte de génie pour inventer des histoires. Il te prend n’importe quoi, un arbre creux, un chat qui passe, une godasse dont la semelle bâille, et il leur donne toute une vie.
– Est-ce qu’il n’a pas été ambulancier en France en 14-18 ? s’enquit maman.
– A la fin de la guerre, oui, dans la Croix-Rouge américaine. Il paraît qu’au lieu de rouler dans une ambulance peinte façon camouflage, il avait entièrement recouvert la sienne de petits personnages de dessins animés.
– Evidemment, dit maman, il n’est pas Walt Disney pour rien…
Didier Decoin
de l’Académie Goncourt
‘The hotel in the clouds’, 6th hotel anecdote by Didier Decoin of the Goncourt Academy
Today, I welcome to my blog a prestigious guest who has done me the honour of writing ‘our’ sixth hotel anecdote, in the person of Didier Decoin. After starting out his career as a journalist, literature, his first passion, caught up with him and Didier Decoin became a novelist and screenplay writer. Since then he has published over 40 novels or essays including ‘John L’Enfer’ for which he received the Goncourt Literary Prize in 1977. His last two works are ‘Est-ce ainsi que les femmes meurent ?’ published by Grasset and the ‘Dictionnaire amoureux de la Bible’ published by Plon. In the world of cinema, he has worked with Marcel Carné, Robert Enrico, Henri Verneuil and Maroun Bagdadi with whom he received the Special Jury Prize at the Cannes Film Festival for the film ‘Hors-la-vie’ (‘Out of Life’). He is also the author of many original screenplays and adaptations for television such as ‘Le Comte de Monte-Cristo’ (‘The Count of Monte Cristo’). Today, Didier Decoin is Secretary General of the Goncourt Academy and shares with us a poetic moment spent in a hotel in the South of France.
Thanks to him for this delightful journey
Didier MOINEL DELALANDE
‘The hotel in the clouds’
Big mosquito nets splayed out from the ceiling like underskirts over the beds, diffusing a subtle fragrance of warm tulle and saffron at the slightest touch, there were cicadas and shooting stars, it was summertime, I was sixteen years old and in love with a slender brunette whose father and mother had (unwisely?) chosen the same hotel as us. I can still see the ochre of the walls which went so well with the slightly wild gold tints of the Esterel mountains, the immense park with its paths carpeted with pine needles leading down to the sea, most of all I can still picture the pretty girl.
It was in Théoule, in the sixties, at the Hôtel de la Galère, the base camp that my father, Henri Decoin, had chosen to scout out the setting for his next film, ‘The Iron Mask’, whose outdoor scenes were to be filmed above Nice, in Sospel, Peira-Cava and on the Lérin Isles. Amongst the many delightful advantages that I found in having a filmmaker dad, there was the fact that our holiday destination was almost always dictated by my father’s film shoots: this is why we found ourselves in Torremolinos where he was shooting scenes for ‘The Lovers of Toledo’, in Nice for ‘The Truth About Baby Donge’, in Noirmoutier for ‘Where the Truth Lies’, in Roquefort for ‘Le Feu aux poudres’, and if it had not been for a stupid devaluation of the piastre (then the currency of French Indochina), we would have spent six months on a junk moored in the Mekong delta. My father had an exceptional gift for choosing hotels. I never found out how the devil he managed it, but the fact is that he took us to astounding ones – like the Hotel Alhamar, in Southern Spain, which no longer exists (or has been renovated to the point that it is unrecognisable), a gigantic and indecently white blancmange of a hotel extending into a beach of blue thistles, an improbable unfinished palace where only seawater came out of the taps and where the only milk used in the kitchens was goat’s milk, which, although fine as a cheese, is quite disgusting in coffee, ice cream, flans, mousses and soufflés. After a fortnight of this diet, my father protested. The hotel promised to take his complaint into consideration. And so it was that, from that day on, all the dishes – and I really mean all of them, even the bread – which were not gazpacho, peppers in oil or paella, were violently perfumed with cinnamon.
But let’s come back to our bewitching Galère. I think the hotel still exists; but completely renovated and refurbished, maybe it no longer has that rustic elegance – which is not an impossible combination, not there in any case – of the old Galère which, notwithstanding its function as a hotel, gave its guests the romantic impression of being happy and fulfilled ghosts of the 19th century castle that it was in the beginning; and we were not far from expecting to meet, in a corridor, the stunning shadow of Isadora Duncan, who died on the road to Nice, strangled by her silk scarf at the wheel of her Bugatti.
One evening before dinner, when the great park (more than twenty hectares if my memory serves me correctly), was slipping into that pre-dusk mauve of the Mediterranean coasts, I was leaning against a guardrail overlooking the path to the sea that the young brunette had just walked up, and was dreaming about the delicious taste that her lips must surely have. The sounds of the hotel floated down to me, the buzz of happy people, interspersed with laughter, exclamations, and the chink of glasses – a bit like far off celebrations twinkling above the real world like stars.
Suddenly a man’s voice, behind me, said:
– Apparently you have noticed too…
In spoken French it is sometimes hard to know whether someone is talking about a man, a woman or a thing. But I was sure that the man was talking about a woman and more specifically about the young girl with long dark hair. I found this lacking in decorum and shrugged my shoulders.
– And naturally, added the voice, you are wondering what will happen next.
What would happen next was that she would be kissed by me before the end of our stay in Théoule, nothing could be more certain; but in any case, it was absolutely none of this man’s business.
– In my opinion, the voice continued, it will be devoured by the other one, the big puffy grey one which is getting ready to pounce just behind the islands – do you see it?
So, he was definitely not talking about the girl – then what the devil was he talking about? I turned round to see who I was dealing with. It was a man wearing quite well-cut clothes, undoubtedly quite expensive. He had sparkling eyes beneath quite a large forehead and either side of a nose that did not seek to hide itself. He had an unusual moustache, which arched around his mouth as if to emphasise his dimpled smile.
– I’m talking about that cloud, he went on, pointing his finger in the direction of a tiny fluffy white ball suspended above the Lérin Isles like a puff of smoke from an Indian signal. Doesn’t it look like it has lost its mother? That happens to clouds just like it does to people. But it could be that rather than a child cloud, it is a dwarf cloud. I must say I would prefer it to be a dwarf cloud. Do you like clouds, my young friend?I had never thought about it. I lived very well without worrying about clouds, except obviously when they split open and rained on me and when I had forgotten my umbrella that day. But I wasn’t going to say all that to this stranger – who was a little too curious I felt. So, again, I responded with a shrug of my shoulders.
– And dwarfs? said the man.
– What about dwarfs?
– What do you think about dwarfs? I find them touching.
Another quarter of an hour and the night would take possession of the whole garden. Already less birds were singing, or they were singing more quietly so as not to wake those that were already asleep in their nests – I know, I speak of birds as if they have intentions, feelings almost, but who says that they don’t? Now, all the windows of the hotel were lit up, and behind these golden screens passed silhouettes of guests preparing to come down to the restaurant. The pretty brunette was last to make her appearance, and it seemed to me that before switching off the light in her room she turned her gaze for a moment in the direction of the park.
Undoubtedly discouraged by my silence, the man risked a few more comments about the problem of dwarfism amongst clouds, humans and even cartoon characters.
Given that this last point gave his conversation an absurd and completely incoherent edge, I replied abruptly that I was no longer of an age to go and see Mickey.
All of a sudden the sparkle in his eyes turned into a damp puddle upon which floated a sad look, the look of a dog that you have just sent away.
– Well, he murmured, I suppose all that is not important. I didn’t want to disturb you. If I did, please excuse me.
He retreated, and the shadows finished invading the park. The little cloud was eaten up by a big expanse of purple clouds, swollen as if about to burst. And which in fact did burst: a summer rainstorm was upon us.
The electricity had blown and the staff had lit candles on each table. After a peak of the febrile excitement that accompanies storms, the conversations had calmed down again. Two tables from ours, the young brunette yawned, revealing the inside of her mouth and her wide flat tongue, of an incomparable pink.
At that moment a figure appeared, blocking my view of the pretty sleepyhead. It was the oddball from earlier, the fan of little clouds.
Curiously, my father immediately rose to shake the man’s outstretched hand. They spoke for a moment, in quite low voices. Most of the other guests in the restaurant were watching them. Some were smiling. I didn’t listen. They were probably talking about clouds again. I couldn’t care less.
And then the man waved his hand and moved away. Good riddance, I thought. And my gaze went back to the young girl.
– He’s going back to Nice, said my father watching the departing stranger. He’s staying at the Négresco, I believe. He is only in France for a few days.
– For a film? asked my mother who was dabbing her eyes as of something rare had just crossed her path.
– Yes, produced by his studios, confirmed my father. There was an article in Nice Matin about it today. It is the story of an American family’s trip to France. The wife will be played by Jane Wyman – you know, she was Gracie Harris in Night and Day (dad adored this film). It’s a shame that he was in such a hurry to get back to Nice, added my father turning to me, you would have loved chatting with him. It is not a chance that many people get. He has an incredible gift for inventing stories. Anything and everything can inspire him, a hollow tree, a passing cat, a shoe with a gaping sole, and he makes up a life for them.
– Wasn’t he an ambulance driver in France in the First World War? my mother asked.
– Yes, at the end of the war, in the American Red Cross. Apparently instead of driving an ambulance painted in camouflage, he completely covered his with little cartoon characters.
– Of course, said my mum, he isn’t Walt Disney for nothing…
Didier Decoin
of the Goncourt Academy
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