Château Margaux est actuellement l’un des meilleurs vins du Médoc, de Bordeaux et probablement du monde. Une dégustation récente sur trois millésimes de chacun des crus suivants avait pour objectif de se pencher sur le style des vins parmi les plus chers au monde. À l’aveugle et en public, Château Margaux a été unanimement salué comme le meilleur au milieu de La Romanée-Conti, La Mouline, La Landonne, La Turque, Pingus, Dominus, Redigaffi. Pour moi, ce n’est pas une surprise, tant mes dernières notes sur ce vin sont élevées. Château Margaux associe à merveille le raffinement et la puissance, les deux composantes les plus nobles dans le goût du vin. Son raffinement s’exprime d’abord à travers son nez très aromatique, fruité, éclatant aux nuances florales. Les vins de l’appellation Margaux, et Château Margaux en particulier, sont les plus parfumés de tout Bordeaux.
En bouche, le cru offre beaucoup de goût, un toucher extrêmement soyeux pour du cabernet-sauvignon, une trame à la texture serrée et un caractère finement pulpeux. Très fondant tout le long de la dégustation, il s’achève très long, sur le grain de tanin le plus fin que je connaisse à Bordeaux, et ailleurs aussi. Son style est l’archétype du goût à la française, avec tout et rien de trop.
Le plus difficile dans la dégustation de ce vin reste de bien faire la différence entre la minceur et le raffinement. Je me suis trompé dans mon analyse du 1990 jeune. Ne le sentant pas suffisamment en relief, je n’avais pas su voir sa puissance contenue, sa concentration sous ses allures faciles. En ce sens, Château Margaux est un vin d’initié. Certes, jeune, il demeure impossible à cracher, mais la mesure de sa grandeur reste difficile tant rien ne dépasse, ni ne domine dans ce qu’il nous donne à goûter. Je connais peu de crus comme celui-là, dont l’extraordinaire personnalité ne cesse de se révéler avec le temps.
2010 19,5/20 ou 98/100 à boire entre 2022 et 2045
C’est un vin vraiment exceptionnel ! Avec ce millésime, je retrouve le très grand nez de Château Margaux, le plus parfumé et le plus subtil. Je ne l’avais pas ressenti aussi fort depuis 2000. Or, les années plutôt parfumées à Château Margaux sont d’habitude des millésimes à la texture un peu austère, auxquels il faut du temps pour s’exprimer (2006, par exemple). L’expérience prouve que dès que Château Margaux sent les fruits noirs, sa texture sera celle d’un vin de rêve. 2010 combine ces deux bases essentielles à la détermination du caractère extraordinaire du lieu. En 2009, la texture de Château Margaux a fait fureur chez nombre de critiques. Cependant, je ne lui ai pas octroyé la note maximale de par le léger effacement du nez. Avec le recul, il n’est pas impossible que les vendanges aient été un brin tardives. La nouvelle réception de vendanges par gravité ne pouvait jouer que le rôle d’un rehausseur des qualités tactiles de ce cru. En 2010, la climatologie si favorable à la concentration aromatique se joint à la main de l’homme et au terroir pour créer cet extraordinaire résultat. Le nez est splendide, profond et complexe. En bouche, une texture royale s’anime de la grâce des parfums, le tout en puissance et en nuances. À noter encore que c’est, avec le 2006, le millésime qui contient le plus de cabernet-sauvignon dans l’assemblage : 90 %.
2009 18,75/20 ou 97/100 à boire entre 2022 et 2060
Couleur sombre, intense, belle, profonde. Elle était déjà comme cela en 2005. Grand nez, mais cette fois on passe aux fruits noirs. Il est très fin, pur, profond, sans la note florale que le cru offre d’habitude. Bouche onctueuse. Ce vin se développe finement, comme en suspens dans la bouche, avec une folle séduction. Très savoureux, très, très hédoniste, sans angle bien sûr, il s’achève fondant, long avec beaucoup de goût. Une très grande bouteille.
2008 18/20 ou 95/100 à boire entre 2020 et 2040
Couleur sombre, légèrement évoluée. Nez fruité, fumé et finement boisé. Il se montre extrêmement aromatique à l’agitation, avec une note de framboise. Entrée en bouche pulpeuse, puis le vin prend cette façon unique de monter au milieu, de fondre et de se répandre en arômes subtils. Finale complexe, puissante et longue, au grain de tanin sophistiqué et noble. C’est un grand vin.
2007 17,25/20 ou 93/100 à boire entre 2015 et 2025
Couleur sombre, intense, belle, légèrement évoluée. Nez fin, fruité, frais et finement boisé. Minutieux en entrée de bouche, le vin se développe très aromatique et très gracieux avec du goût et un toucher à la Château Margaux. La combinaison arôme- toucher opère, et le vin fond en finale, très savoureux, uni et beau. C’est très bon.
2006 18/20 ou 95/100 à boire entre 2015 et 2050
Couleur rouge sombre et bleutée. Grand nez complexe au fruité mûr et profond. Nuance fumée. Superbe entrée en bouche grasse, et le vin se développe, ample et plein, au milieu. Complet, il évolue sur un beau relief tannique et un développement lent vers une très longue persistance à la texture et au tanin nobles. Du grand vin.
2005 19,75/20 ou 99/100 à boire entre 2020 et 2060
Le Château Margaux 2005 est un immense vin et mon préféré de tous. La couleur est très sombre, le nez offre une grande profondeur. Très, très frais, fruité, floral, puis- sant, il sent des notes de prune. En bouche, je n’ai jamais vu autant de puissance et de fondant dans le même millésime. L’attaque, le milieu, la finale possèdent une présence et un gras extraordinaires. De surcroît, après le milieu, il gagne en puissance aromatique pour prendre une sorte de seconde vie en finale. Longueur incroyable. Un géant !
2004 18/20 ou 95/100 à boire entre 2015 et 2030
Couleur rouge sombre, intense et belle. Nez très fruité, frais, parfumé et intense. Bouche tout en douceur de texture et de chair avec du goût et un aspect fondant. Tanins fins. La décantation modifie le profil de bouche. Le vin prend à la fois plus d’espace et de nuances. Il s’achève meilleur sur des saveurs fines et nobles.
2003 19,25/20 ou 98/100 à boire entre 2013 et 2045
Voilà un autre fabuleux millésime de Château Margaux. Couleur rouge sombre, intense et légèrement évoluée. Le nez du vin décanté et celui du non-décanté sont proches, fins, subtils, très fruités. Dans le verre, une belle odeur de cassis, de fumée et de fruits secs grillés domine. Merveilleuse entrée en bouche où le vin se développe suave et raffiné dans ses arômes et son toucher. Magnifique milieu, riche, où il resserre sa trame et prend une allure bordelaise. La finale, superbe, s’achève sur l’arôme. Jeune, je le goûtais plus tannique. Or, le tanin s’est fondu pour laisser place au goût de Château Margaux. C’est incrachable ! La décantation rehausse l’hédonisme à travers un caractère crémeux plus apparent. D’aspect plus puissant, le vin ne se départ jamais d’un fondu exemplaire. En cela, je le compare au 1990. Très grande finale finement pralinée. La note plaisir est très élevée pour un vin de cet âge. Gourmands, essayez-le !
Jean-Marc Quarin
Critique oenologique
Quarin Guide to Bordeaux Wines: Château MARGAUX 2010 to 2003: Archetype of French Taste
Château Margaux is now one of the best wines of the Médoc, Bordeaux and probably the world. The objective of a recent tasting of three years of each of the following vintages was to study the style of the wines among the most expensive in the world. In blind and public tastings, Château Margaux was unanimously hailed as the best of La Romanée-Conti, La Mouline, La Landonne, La Turque, Pingus, Dominus, and Redigaffi. This is of no surprise to me, as my last grades for this wine are high. Château Margaux marvellously combines refinement and strength, two of the noblest components in the taste of the wine. Its refinement is first expressed through its very aromatic and fruity nose bursting with floral nuances. Margaux appellation wines, and Château Margaux in particular, are the most fragrant of all Bordeaux.
In the mouth, the vintage offers much taste, an extremely silky touch for cabernet-sauvignon, a structure with a tight texture and delicately fleshy character. Luscious throughout the tasting, it has a very long finish, with the finest tannin I know in Bordeaux, and elsewhere as well. Its style is the archetype of French taste, with everything and not too much.
The most difficult aspect of tasting this wine is properly differentiating between thinness and refinement. I was mistaken in my analysis of the young 1990. Not feeling it sufficiently in relief, I was not able to see its contained strength, concentration under its easy appearance. In this sense, Château Margaux is an enlightened wine. Clearly, young, it remains impossible to spit out, but the extent of its grandeur remains difficult, as nothing surpasses, or stands out in what they give us to taste. I know little about vintages like this one, whose extraordinary personality does not cease to reveal itself over time.
2010 19.5/20 or 98/100 to drink between 2022 and 2045
This is a truly exceptional wine! With this year, I find the great nose of Château Margaux the most fragrant and most subtle. I have not felt it as strongly since 2000. And yet, the rather fragrant years at Château Margaux are usually years with austere texture, which require time to express themselves (2006, for example). Experience proves that as soon as Château Margaux smells of dark fruit, its texture will be that of a dream wine. 2010 combines these two essential bases for determining the extraordinary character of the location. In 2009, the Château Margaux texture was all the rage among many critics. However, I did not give it the highest grade due to the slight fading of the nose. In hindsight, it is not impossible that the grape harvests were a bit late. The new receipt of grapes harvested by gravity could only enhance the tactile qualities of this vintage year. In 2010, weather so favourable to aromatic concentration combines with human labour and the terroir to create this extraordinary result. The nose is splendid, deep and complex. In the mouth, a royal texture comes to life by virtue of the flavours, all in strength and nuances. It should still be noted that it, along with 2006, is the year that contains the most cabernet-sauvignon in the group: 90%.
2009 18.75/20 or 97/100 to drink between 2022 and 2060
Dark, intense, beautiful and deep colour. It was already like that in 2005. Great nose, but this time, it goes to black fruit. It is very fine, pure and deep, without the floral note that the vintage usually offers. Unctuous in the mouth, this wine develops delicately, as if suspended in the mouth, with a mad seduction. Very tasty, very, very hedonistic, with no slant of course. It has a long, luscious finish with a great deal of taste. A truly great bottle.
2008 18/20 or 95/100 to drink between 2020 and 2040
Dark, slightly developed colour. A fruity, smoky and delicately woody nose, it is extremely aromatic upon swirling, with a note of raspberry. Initially fleshy in the mouth, then the wine takes this unique way of going to the middle, which is luscious and spreads into subtle aromas. A complex, powerful and long finish, with a sophisticated and noble tannin. It’s a great wine.
2007 17.25/20 or 93/100 to drink between 2015 and 2025
Dark, intense, beautiful and slightly developed colour. A fine, fruity, fresh and slightly woody nose. Initially meticulous in the mouth, the wine develops very aromatically and graciously with Château Margaux taste and texture. The aroma-texture combination works and the wine is luscious at the end, very tasty, smooth and noble. It is very good
2006 18/20 or 95/100 to drink between 2015 and 2050
Dark red and bluish colour. Great complex nose of ripe and deep fruit. Smokey nuance. Initially fleshy in the mouth, the wine develops to be extensive and full in the middle. Complete, it develops on a noble tannin relief, slowly, towards a very long lasting texture and noble tannin. Great wine.
2005 19.75/20 or 99/100 to drink between 2020 and 2060
Château Margaux 2005 is a tremendous wine, and my favourite of all. The colour is very dark and the nose offers great depth. Very, very fresh, fruity, floral, strong, with notes of prune. In the mouth, I have never experienced as much strength and lusciousness in the same year. The attack phase, the middle and finish possess an extraordinary presence and body. Moreover, after the middle, it gains aromatic strength to finish with a second life. Incredible length. A giant!
2004 18/20 or 95/100 to drink between 2015 and 2030
Dark red, intense and beautiful colour. Very fruity, fresh, fragrant and intense nose. Mouth immersed in the soft texture and flesh with taste and a luscious aspect. Fine tannins. Decantation modifies the mouth profile. The wine simultaneously takes on more space and nuance. It finishes better on fine and noble flavours.
2003 19,25/20 or 98/100 to drink between 2013 and 2045
Here is another fabulous year for Château Margaux. Dark red, intense and slightly developed colour. The nose of the decanted and non-decanted wine are close, fine, subtle and very fruity. In the glass, a beautiful scent of blackberries, smoke and grilled dried fruit prevails. Initially marvellous in the mouth where the wine develops smooth and refined aromas and texture. Magnificent and rich middle where it tightens its fabric and takes the appearance of a Bordeaux. A superb finish develops on the aroma. Young, I tasted it more tannic. Yet the tannin melted to leave room for the Château Margaux taste. It cannot be spat out! Decantation enhances the hedonism through a more apparent creamy character. With a more powerful appearance, the wine never departs from an exemplary blend. In this respect, I compare it to the 1990. Great praline finish. The grade for pleasure is very high for a wine of this age. Food lovers, try it!
Jean-Marc Quarin
Wine Critic
Didier MOINEL DELALANDE