Luz : La fée du minibar… Anecdote hôtelière n° 4

Pour la quatrième anecdote hôtelière, après Arnaud Delmontel et Tristane Banon, je laisse la plume à Luz (Renald Luzier), dessinateur autant émérite que satirique de Charlie Hebdo. Merci donc à Luz qui nous a même dessiné son anecdote !

Didier MOINEL DELALANDE

« La Fée du Minibar

la-fee-du-minibarQuand il ouvrit la porte du minibar, tout était à nouveau à sa place. « La petite fée est passée », s’amusa le voyageur. Trois jours qu’il résidait dans cette chambre d’hôtel, et chaque nuit le lit était fait, les serviettes propres, le désordre rangé et le minibar plein. Les mignonettes d’alcool étaient alignées comme autant de soldates attendant le passage en revue. La barre chocolatée était garée en double file aux côtés du paquet de chips, lui-même parqué près de la conserve de cacahuètes, sous la vigilance du bocal d’olives. En bas, les canettes de soda faisaient front, leur torse de métal bombant fièrement leurs marques déposées. À l’ouverture de la porte, tout ce petit monde frétillait et le temps d’une seconde le saluait d’un crâne tintamarre.

Il referma la porte pour l’ouvrir aussitôt. « Repos !», ordonna-t-il, faisant taire la troupe. Puis recommença. Au septième aller-retour consécutif, il en conclut qu’il devait être sacrément saoul. Il empoigna, hilare, une petite fiole de whisky, et se renversa sur le lit moelleux, alors que la fanfare retrouvait son calme et son obscurité.

Il devrait quitter la ville le lendemain, laissant derrière lui le confort solitaire de cette chambre. Il s’y sentait apaisé. Il en avait presque oublié cette femme avec laquelle il avait tant vécu, qu’il avait autant trompée qu’aimée, et qui l’avait forcément quitté. Quelques jours déjà sans elle… Le plafond était une mer mouvante dans laquelle il n’en finissait pas de plonger. Il esquissa dans l’air un mouvement de brasse. Rien n’y faisait, il ne nageait toujours pas dans l’eau bétonnée de la pièce. Sa mignonette vidée, il retourna inspecter son armée docile.

Plus de whisky. Pendant sa vaine traversée du plafond, la fée du minibar n’était pas repassée. « Houhou, ya quelqu’un ? », elle était peut-être endormie derrière la canette de bière. Il s’employa à vider le frigo avec méthode. Il l’imaginait avec de grands yeux verts, deux ailes scintillantes, de tout petits seins, de toutes petites fesses, et une toute petite robe pour laisser deviner tout cela. Et pourquoi pas une baguette magique – à son stade d’ivresse les divagations n’avaient plus besoin d’être inventives. Cette petite fée, qui savait chaque jour faire apparaître les bouteilles qu’il avaient vidées la veille, pouvait peut-être faire revenir Sophie, ici même dans cette chambre. « Sophie, lui chuchoterait-il, pardonne ce crétin à tes pieds ». Il n’attendrait pas cette fois qu’elle pleure pour pleurer avec elle. Il lui ferait l’amour, pendant que la prude petite fée se serait éclipsée derrière les cacahuètes…

La tête dans le minibar, il s’endormit. La nuit était de toute façon si chaude. »

The Minibar Fairy, 4th hotel anecdote by Luz
For the fourth hotel anecdote, after Arnaud Delmontel and Tristane Banon, I am enlisting the imagination of Luz (Renald Luzier), the talented illustrator of the satiric newspaper Charlie Hebdo. Thanks then to Luz who even illustrated his anecdote!
Didier MOINEL DELALANDE

« The Minibar Fairy
la-fee-du-minibarHe opened the door of the minibar and saw that everything was as it should be. « The little fairy has been » laughed the traveller. He had been staying in this hotel room for three days now, and each evening he had found the bed made, clean towels, the mess tidied up and the minibar full. The little bottles of alcohol were lined up like a row of soldiers standing to attention. The chocolate bar was awaiting further orders next to the packet of crisps, which was fraternising with the peanuts under the watchful eye of the tin of olives. Below, the cans of soft drink were presenting a united front, proudly sticking out their metal chests to emphasise their brand names. As the door opened, this little world trembled and saluted him with a tinny clang.
He closed the door only to open it again a second later. “At ease!” he commanded, silencing the troops. He repeated the process. After the seventh foray, he concluded that by now he must be devilishly drunk. Dozily he grasped a little phial of whisky, and fell backwards onto the soft bed, as the fanfare retreated into calm and obscurity.
He was due to leave town the next day, leaving behind the solitary comfort of this room. He felt appeased here. He had almost forgotten the woman with whom he had shared so much, who he had cheated on as much as he loved her, and who had, of course, left him. A few days without her… The ceiling was a moving sea into which he was endlessly plunging. He flailed his arms in the air in a vague breaststroke motion but it was no use, he couldn’t swim in the concrete water of the room. Seeing that the little bottle was empty, he returned to inspect his docile army.
No more whisky. During his vain ceiling crossing, the minibar fairy had not dropped by. “Hello, is anyone there?” perhaps she was snoozing behind the can of beer. He busied himself with the task of methodically emptying the fridge. He imagined her with big green eyes, glittering wings, little breasts, a tiny bottom, and a little dress scantily covering all that. And why not a magic wand – at his stage of inebriety his thoughts no longer needed to be inventive. Perhaps this little fairy, who made bottles that he had emptied one day reappear full the next, could conjure up Sophie, here in this very room. “Sophie” he would whisper to her, “forgive this idiot at your feet”. He wouldn’t wait for her to cry this time to cry with her. He would make love to her, while the prudish little fairy hid behind the peanuts…
With the head in the minibar, he fell asleep. The night was too hot anyway. »

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