Poursuivons notre série sur les adresses mythiques à Paris avec aujourd’hui le mythique berceau de la télévision française. Après vous avoir parlé du Quai des Orfèvres et de la place Beauvau, je voulais en effet vous parler de la rue Cognacq-Jay et de ses fameux studios.
Sous l’occupation
Au moment de l’occupation allemande en 1940, le studio émetteur de la rue de Grenelle en fonction depuis 1935 est laissé à l’abandon. Ce sont les allemands qui vont redémarrer le service de télévision à Paris par l’intermédiaire de Kurt-Hinzmann.
Cet allemand est envoyé dans la capitale en 1941 pour élaborer des programmes radio en anglais pour le jour où l’Angleterre capitulera. Il convainc les autorités allemandes d’utiliser la télévision comme divertissement pour les soldats blessés (idée qu’il avait déjà mise en place à Berlin) et, par la même occasion, de réutiliser l’émetteur de la Tour Eiffel que sa direction lui avait demandé de saboter.
Dès 1943, quelques 300 téléviseurs de fabrication allemande sont distribués dans les hôpitaux parisiens et à quelques officiers. Un studio est aménagé 15 avenue Charles Floquet dans l’ancienne ambassade de Tchécoslovaquie juste à côté de la tour Eiffel, dans l’attente d’un local plus grand.
Hinzmann repère alors un ancien dancing à l’abandon au 180 Rue de l’université. La salle de danse est suffisamment vaste pour être transformée en studio. Derrière le dancing, il y a un garage abandonné qui peut servir d’atelier; celui ci touche un bel immeuble, une pension de famille donnant sur la rue Cognacq-Jay (N°13 à 15) qui peut servir aux services administratifs. Cet ensemble est idéal d’autant que la tour Eiffel est toute proche. Le lieu est réquisitionné immédiatement et le propriétaire exproprié sans ménagement. C’est la radiodiffusion française qui l’acquiert. Dès le 7 mai 1943 les émissions peuvent démarrer. La chaîne allemande Fernsehsender Paris y diffuse ses programmes jusqu’au 12 août 1944.
Lorsque les allemands quittent les studios dans l’urgence, ils laissent aux français une station de télévision opérationnelle et l’une des plus performantes du monde. Sur décision de Jean Guignebert, directeur de la Radiodiffusion nationale, l’immeuble dans lequel avait fonctionné Fernsehsender Paris prend le nom de Centre Alfred Lelluch en 1945. La diffusion reprend régulièrement à partir d’octobre 1945. A cette époque cependant, seul 1% des ménages français dispose d’un poste de télévision chez eux.
Après la guerre : « à vous Cognacq-Jay ! »
Théâtre de la renaissance de la télévision française après la Guerre, les studios sont utilisés de la Libération jusqu’en 1992 et le départ de TF1 pour Boulogne. Initialement conçu pour exploiter une unique chaîne de télévision, le centre Alfred Lelluch abrite également à partir de décembre 1963 les studios et la régie de diffusion de la deuxième chaîne, puis de la troisième chaîne à partir de décembre 1972.
Les trois chaînes cohabitent aux studios jusqu’en 1994 même si Antenne 2 et France Régions 3 ont leur propre siège social depuis 1975. La chaîne francophone TV5 y installe son siège en 1984 sur deux étages et demi.
Privatisée en avril 1987, TF1 reste dans les locaux le temps de la construction de son nouveau siège social à Boulogne-Billancourt qu’elle rejoint en mai 1992. En 1994, la régie finale de France 2 et France 3 quitte Cognacq-Jay pour la rue Varet dans le 15e arrondissement de Paris. TV5 Monde quitte la mythique adresse fin juillet 2006. Seules restent des chaînes du câble, du satellite et de la TNT qui y partagent les plateaux, les caméras et les régies de Cognacq-Jay. L’immeuble est toujours aujourd’hui la propriété de TDF, principal diffuseur en France.
Les grandes voix de la télévision française comme Léon Zitrone ou Guy Lux ont immortalisé ce lieu mythique avec la formule utilisée par les journalistes pour rendre l’antenne, depuis devenu célèbre : « à vous Cognacq-Jay » !
An iconic Parisian address: 13-15 Rue Cognacq-Jay
Let’s continue our series of articles on iconic addresses in Paris. After telling you about Quai des Orfèvres and Place Beauvau, I would like to mention Rue Cognacq-Jay, also known as the historic birthplace of French television.
During the Occupation
When the German occupation began in 1940, the broadcasting studio on Rue de Grenelle, which had been in operation since 1935, was abandoned. The Germans relaunched the Parisian television service in an initiative led by Kurt Hinzmann, a German sent to the French capital in 1941 to develop radio programmes in English in preparation for the day Britain surrendered. He convinced the German authorities to use television as entertainment for injured soldiers (an idea that he had already implemented in Berlin) and, in doing so, find a new use for the Eiffel Tower transmitter, which his managers had asked him to sabotage.
In 1943, around 300 German-made television sets were distributed to hospitals around Paris, as well as to a handful of officers. A studio was set up at 15 Avenue Charles Floquet, in the former Embassy of Czechoslovakia and not far from the Eiffel Tower, until larger premises became available.
Then Hinzmann found a disused dancehall at 180 Rue de l’Université. The hall was large enough to be converted into a studio. Behind it, there was an abandoned garage which could be used as a workshop, and this in turn was attached to a nice building – a boarding house whose street address was 13-15 Rue Cognacq-Jay – which could be used for administrative offices. The arrangement was perfect, especially since the Eiffel Tower was just down the road. The buildings were requisitioned immediately and the owner unceremoniously dispossessed of his property. From then on, the premises were devoted to French broadcasting. On 7 May 1943, the first programmes were aired. The German channel Fernsehsender Paris broadcast programmes from this address until 12 August 1944.
When the Germans finally fled the studios, they left France a television station that was not only fully operational, but also one of the finest in the world. In 1945, Jean Guignebert, the director of Radiodiffusion Nationale, decided that the building in which Fernsehsender Paris had been run should be renamed the Centre Alfred Lelluch. Broadcasting returned to normal in October 1945. At the time, only 1% of French households had their own television set.
After the war: “back to you, Cognacq-Jay”
After the war, the studios became the home of the rebirth of French television and were used from the Liberation right up until 1992, when leading channel TF1 moved to Boulogne. Although it was originally designed to host a single television channel, the Centre Alfred Lelluch also housed the studios and controls of the country’s second channel from December 1963, and of its third from December 1972.
The three channels shared the studios until 1994, even though Antenne 2 and France Régions 3 had had their own headquarters since 1975. Global French-language network TV5 established its head office there in 1984 and took up two and a half floors.
After being privatised in April 1987, TF1 remained in the premises whilst its new head office was being built in Boulogne-Billancourt, where it moved in May 1992. In 1994, France 2 and France 3’s master control left Cognacq-Jay for Rue Varet in the 15th arrondissement of Paris. TV5 Monde left the iconic address at the end of July 2006, leaving behind only cable, satellite and TNT channels, which shared Cognacq-Jay’s sets, cameras and control rooms. Today, the property still belongs to TDF, France’s largest transmissions company.
French television’s biggest voices, including Léon Zitrone and Guy Lux, immortalised the iconic address with a saying that has become renowned: “A vous Cognacq-Jay” (“Back to you, Cognacq-Jay”) were the words with which reporters handed back to news anchors. In 2010, Editions Delcourt published “A vous Cognacq-Jay”, a comic book dedicated to the glory days of French television in the 60s and 70s.
Didier MOINEL DELALANDE