Après les écrivains Didier Decoin de l’Académie Goncourt et Tristane Banon, le dessinateur Luz, le pâtissier Arnaud Delmontel, les jeunes entrepreneurs Michel et Augustin, j’ai le plaisir de recevoir un sportif pour une nouvelle anecdote hôtelière, sur un air de vacances, en la personne de Loïck Peyron. Né le 1er décembre 1959 à Nantes (Loire Atlantique), fils de commandant de super-pétrolier, petit frère de Bruno le tour-du-mondiste, et de Stéphane le planchiste-aventurier, Loïck Peyron a touché à tout dans le milieu de la voile : monocoques et multicoques, Formule 40, Mini Transat, Figaro, Vendée Globe, trimarans Orma, Maxi-catamaran… Son palmarès hors du commun en fait l’un des plus brillants marins français contemporains.
Merci Loïck de nous faire voyager par cette nouvelle, sans quitter notre hôtel !
Didier MOINEL DELALANDE
« Une nuit en mer…
On nous demande souvent ce qui nous manque en mer pendant les longues traversées.
La réponse la plus répandue pourrait être un lit sec qui ne bouge pas et j’y ajouterai, pour ma part, une salade fraîche à l’huile d’olive.
Théoriquement, l’excitation de l’arrivée, les retrouvailles avec la famille, les copains et l’équipe remplissent les premières heures d’escale, et doucement, cachée derrière le rideau de sel, réapparaît la fatigue des semaines passées en mer.
L’un des grands plaisirs, à l’arrivée d’une transat ou d’un tour du monde, ne se résume pas à se jeter sur le premier sacro saint morceau de viande fraîche que nos médias tentent de faire avaler aux marins amaigris et aux lecteurs passionnés. Mais c’est plutôt vers le calme d’une chambre d’hôtel que titube au plus vite le navigateur mal rasé. En général, et si l’arrivée a lieu en fin de journée, il faut poliment éviter le dîner officiel, parce que le meilleur moment à préserver c’est ce plateau repas délicatement apporté par le room service quand on sort du bain en peignoir et qu’enfin, après de longues semaines en ciré recroquevillé dans une bannette humide, on apprécie la douceur d’une couette fraîche.
Alors, mollement bercé par les horreurs de la terre, la télécommande tombe des mains, et le journaliste gominé convaincu de son utilité disparaît dans l’écran.
Mais la nuit ne fait que commencer… Car il faut bien comprendre que la hantise du coureur solitaire en multicoque : c’est le silence. C’est comme dans la jungle, si elle se tait soudainement, c’est qu’un événement fatal est proche. En général, le problème ressemble à un gros chat à rayures d’une demi-tonne, avec des pattes grosses comme des palmes et des griffes prêtent à planter le premier machin comestible qui passe.
Pourquoi cette comparaison, parce qu’il faut bien comprendre qu’un navire de course à voile n’est jamais silencieux, sauf… s’il est en train de chavirer !!!
Hébété, je bondis hors de ma bannette et vite m’agrippe à l’écoute de la grand voile, qu’il faut absolument que je largue avant de me retrouver cul par-dessus tête… la nuit est noire, toujours silencieuse mais, bizarrement, il y a un gros CNN sur l’écran de mon ordinateur où s’affiche d’ordinaire la carte de l’atlantique. Encore plus bizarre je suis en train de tirer sur des rideaux et il me semble qu’il y a quelqu’un dans mon bateau, juste là… ah c’est ma femme !! Tout va bien, je retourne me coucher. »
Loïck Peyron
« A night on the ocean waves… », 7th hotel anecdote by Loïck Peyron
After the writers Didier Decoin of the Académie Goncourt and Tristane Banon, the illustrator Luz, the pastry chef Arnaud Delmontel, and the young entrepreneurs Michel and Augustin, I am delighted to welcome a sportsman for a new hotel anecdote, namely Loïck Peyron. Born on the 1st of December 1959 in Nantes (Loire Atlantique), son of the commander of a super tanker, younger brother of Bruno the round-the-world sailor, and Stéphane the windsurfer-adventurer, Loïck Peyron has tried his hand at just about everything in the sailing world: monohulls and multihulls, Formule 40, Mini Transat, Figaro, Vendée Globe, Orma trimarans, Maxi-catamaran… His exceptional record makes him one of the most brilliant modern day French sailors.
Thank you Loïck for this story which takes us on a journey without even leaving our hotel!
Didier MOINEL DELALANDE
« A night on the ocean waves…
People often ask us what we miss when we are living on the ocean waves during long crossings.
The most frequent answer is probably a dry bed that doesn’t move and personally I would add a fresh salad with a drizzle of olive oil.
Theoretically, the excitement of the arrival, being reunited with our family, friends and team fills the first hours of the final leg, but slowly, hidden behind the curtain of salt, the fatigue of the weeks on the waves gains ground.
One of the great joys, at the end of a transatlantic race or round the world trip, is not just throwing yourself upon the first piece of fresh meat that the media try to get the hungry sailors and their audience to swallow. No, it is more towards the calm of a hotel room that the badly shaven sailor hurries. In general, and especially if you arrive on dry land towards the end of the day, you politely decline the official dinner, because the most delicious moment is when room service brings you a meal on a tray after you have risen from your bath and put on your dressing gown and, after the long weeks in rainproofs hunched up in a damp bunk, there is nothing better than the softness of a freshly made bed.
So, gently lulled by the horrors of land, the remote control falls from your hand, and the slick journalist convinced of his usefulness disappears from the screen.
But the night has only just begun… Because what you should know is that the greatest fear of any solitary multihull sailor is silence. It is like in the jungle, if everything suddenly goes quiet it means that something terrible is about to happen. In general, the problem resembles a big stripy cat weighing half a ton, with paws as big as flippers and claws ready to dig into the first edible thing that they come across.
Why this comparison? Because what you should know is that a racing boat is never silent, except… when it is capsizing!!!
Petrified, I leap out of my bunk and grab the sheet of the mainsail, which I absolutely must let out before I find myself head over heels… the night is black, still silent but, strangely, there is a big CNN logo on the screen of my computer which normally shows a map of the Atlantic. Even more strangely I realise that I am tugging on a curtain and there seems to be someone else on my boat, just there… ah it is my wife!! Everything is alright, I go back to bed. »
Loïck Peyron