Nous continuons aujourd’hui notre tour d’horizon des grands manieurs de shakers à Paris, et de lieux dans lesquelles vous pouvez les défier sur la quantité ou l’originalité de leurs recettes. Cet exercice mérite d’ailleurs plus qu’il ne reçoit à l’heure actuelle, puisqu’il est maitrisé par des personnes qui, je le pense, sont avant tout des gastronomes.
Avez-vous entendu parler du W ? L’hôtel Warwick parisien est le deuxième de la chaine, et lors de son ouverture au début des années 1980 il fut directement propulsé dans la sphère des mondanités. Accueillant moult personnalités du sport ou de la musique, certains se souviennent encore du groupe de rock qui avait jeté son minibar (vide) par la fenêtre, ou de la troisième mi-temps célébrée par les All Blacks au sein de l’hôtel, finissant sur une invocation des dieux à 6 heures du matin dans la salle du petit
déjeuner. Devant les étagères surchargées d’ingrédients vous trouverez Yves Le Pezron, officier alchimiste du Warwick depuis 1997. S’adaptant aux besoins de cette clientèle mouvementée et capricieuse, il choisit une simplicité de composition qui permet la vitesse d’exécution, sans rien enlever à la personnalisation des breuvages. Il vous proposera par exemple sa Cororita, une margarita pétillante qui utilise du 7 Up ! Osé, mais très rafraichissant, chargé de soleil. Pour le folklore il vous faudra demander un Addicted To Love, qui doit son nom à un habitué, Robert Palmer. Ce cocktail doit sa couleur jaune au jus d’ananas incorporé et à l’importance de la mangue dans sa composition, sur la ligne toujours estivale des créations d’Yves Le Pezron.
On ne quitte pas la dimension touristique avec Marco Mohamadi. Il travaille au Secret, un lieu à la décoration tellement typé que vous pourriez très bien vous croire à New York. Ayant débuté au Buddha Bar, Marco sait comment s’adapter aux desiderata d’une clientèle venue de tous les horizons. Adepte du sur mesure, il respecte cependant des règles d’alliances très strictes entre l’alcool de base et les sensations procurées par chaque recette. Le Sweet Godfather est un bon exemple de ses talents. Coquetèle classique des années 50. Sans modifier le fondement de ce classique, l’as du Secret y ajoute une légère note épicée, toute en légèreté, qui le sublime sans le dénaturer. Demandez lui aussi son Espresso Martini, fruit de son expérience de barista aux origines de sa carrière. Très gourmande, cette alliance de Cognac et de liqueur de café est d’une gourmandise sans précédent. L’aspect velouté de sa mousse ne manquera pas de faire craquer les plus gourmands d’entre vous.
Benjamin Nolf, quant à lui, a entièrement revu sa façon de travailler dès qu’il a rejoint le Chocolate Bar, dont le nom explicite vous laisse supposer le principe. Pas un grand passionné du cacao au départ, il a su très vite revoir ses appréhensions, et développer
des recettes qui jouent plutôt sur l’amertume que sur le côté sucré du chocolat. Ici on est dans l’amer plus que dans l’écœurement voluptueux. Demandez lui l’AZUERO, du rhum ambré soulevé avec du vermouth rouge, et un trait de bitter chocolat, vous aurez ainsi le loisir de voir l’un des plus beaux cocktails du monde. La poudre aux scintillantes cuivrés en suspension est un spectacle magique. Si vous avez une sensibilité plutôt féminine et que l’amer n’est pas votre tasse de thé, optez pour le Vanilla Mint&Soup, qui allie blanc d’œuf, vodka à la vanille et menthe fraiche pour une réalisation toute en opalescence, en acidité et en douceur. Mais il faudra désormais les demander à l’hôtel le Kaïla, un splendide hôtel cinq étoiles qui domine les Trois Vallées, car Benjamin en est le nouveau chez barman.
Dans un style passionnel aussi, vous devrez vous rendre au 58, un bar de Neuilly, dans lequel se révèle un passionné de champagne, j’ai nommé Christophe Pons-Boucheron. L’essence du cocktail pour lui ? La fête et la simplicité. Mais si vous savez qu’il possède une carte de près de 120 compositions à base de champagne, entièrement classé par zones géographiques, vous comprenez qu’il ne s’agit pas d’un amateur. Nous vous conseillons dès lors un SOULAC l’ETE, tout en légèreté de fruits rouges et d’herbes. Un Mexico-Reims pourra vous réconciliez avec la tequila, tant il se rapproche d’une margarita aux sensations bien plus fines.
Une telle multitude de style et d’approches différentes dans un art gastronomique ne peut pas être le fruit du hasard me direz vous, et vous aurez raison. C’est pourquoi je vous propose de revenir prochainement pour quelques mots sur les personnes qui ont permis l’essor de ce noble métier.
Cocktails in Paris, French-style mixology (part 3)
Today, we’ll continue our tour of the great mixologists of Paris, and the places where you can ask them about quantities and the originality of their recipes. I think this profession merits more attention than it currently receives, because it is exercised by people who are, above all, gourmets.
Have you heard people talking about W? The Parisian Hôtel Warwick is the second in the chain, and when it opened at the start of the 1980s, immediately became the talk of high society. Welcoming endless personalities from the worlds of sport and music, some still recall the rock group which threw its empty mini-bar out the window, or the All Blacks’ post-match celebrations in the hotel, ending in an impromptu rendition of the Haka at 6am in the breakfast room. Here, positioned in front of groaning shelves of ingredients, you will find Yves Le Pezron, official alchemist at the Warwick since 1997. Adapting himself to the needs of the hotel’s lively and unpredictable clientele, he opts for simplicity in his concoctions, meaning they can be prepared quickly, while retaining the personal touch which he adds to his beverages. For example, he proposes the Cororita, a sparkling margarita, made using 7-Up! Daring, but very refreshing, and bursting with sunshine. For a retro touch, ask for an Addicted To Love, which owes its name to a regular customer, Robert Palmer. The cocktail’s yellow colour comes from pineapple and mango juice, continuing the ever-summery theme of Yves Le Pezron’s creations.
Staying with the tourist theme, let’s talk about Marco Mohamadi. He works at Le Secret, a place which is decorated so perfectly that you could well believe you were in New York. Having begun his career at the Buddha Bar, Marco knows how to adapt himself to the demands of clients who now flock to the bar from around the world. A great fan of tailor-made drinks, he nevertheless respects very strict rules in terms of combinations between the base alcohol and the sensations which each recipe provides. The Sweet Godfather is a good example of his talents; a classic cocktail from the 1950s. Without changing the basic ingredients of this classic, the ace up the Secret’s sleeve is to add a very subtle, slightly spicy note, enhancing its flavour without impairing it. Also ask him for his Espresso Martini, the fruit of his experience as a barista at the start of his career. A very rich concoction, this combination of Cognac and coffee liqueur is unprecedented indulgence. The smooth foam will win over thosewith the sweetest of teeth.
As for Benjamin Nolf, he entirely revamped his way of working when he joined the Chocolate Bar, whose explicit name gives the game away as to the principle behind it. Not originally a great cocoa fan, he very quickly overcame his apprehensions and developed recipes which make more use of the bitterness of chocolate than its sweetness. It is more about bitterness than voluptuous sickly sweetness. Ask him for an AZUERO, amber-coloured rum mixed with red vermouth and a hint of bitter chocolate, and you will experience one of the most amazing cocktails in the world. The sparkling coppery powder suspended in liquid is magic in itself. If you have a sweeter palate and bitterness is not your cup of tea, opt for the Vanilla Mint&Soup, which combines egg white, vanilla vodka and fresh mint to create an opalescent, acidic and sweet concoction. But you’ll have to order them at the Hôtel le Kaïla, a splendid five-star hotel which dominates Les Trois Vallées, as Benjamin is the new head barman there.
You should also visit the 58, another passionately-styled bar in Neuilly, which is home to a real champagne-lover, Christophe Pons-Boucheron. The essence of a cocktail for him is festivity and simplicity. When you realise that he has a menu of nearly 120 recipes based on champagne, entirely classified by geographical area, you understand that this is no amateur. We advise you to try a SOULAC l’ETE, which is light, fruity and herby, while a Mexico-Reims could win you over to tequila, resembling a margarita with much more sophisticated overtones.
This range of style and different approaches to this gastronomic art cannot be down to chance, I hear you say, and you are right. This is why I’ll be telling you about the people who have contributed to the rise of this noble profession in the near future.
Didier MOINEL DELALANDE