Je relativise l’importance que j’accorde à la dégustation à l’aveugle. Je considère cette pratique comme un outil nécessaire, mais pas suffisant pour apprécier l’entière qualité d’un vin. Nécessaire pour comparer et évaluer hors de toute suggestion liée à l’étiquette. Pas suffisant, tant je remarque que dans certaines conditions sa pratique
induit des résultats biaisés que je ne peux pas recommander à mes lecteurs.
Comme tout outil, il faut savoir s’en servir. Aujourd’hui, dans un contexte très médiatique pour le vin, la plupart de ces dégustations regroupent un grand nombre d’échantillons ; contrainte d’organisation et rentabilité de temps obligent. Dans de telles circonstances, ces dégustations induisent une surévaluation des résultats. Elle s’explique par le fait que trop de vins à goûter tuent le vin à évaluer. Le grand nombre d’échantillons sature la perception.
Cet outil, mis en exergue au nom de la démocratie et de l’intérêt d’abolir le privilège des étiquettes pour juger plus librement, est excellent en vue de déterminer tout effet lié à la dilution ou à la concentration de la matière du vin. Par contre, il est peu fiable pour déterminer le raffinement d’un vin. Or, à concentration de matière égale avec son voisin, je considère que le meilleur, le plus grand est justement le plus raffiné. Il est toujours surprenant de voir comment au nom d’une belle idée on peut arriver à l’inverse de l’effet recherché !
En tant que critique, mon rôle consiste à d’abord garantir au lecteur que la qualité du vin qu’il s’apprête à ouvrir et à boire se suffit à elle-même. Si je l’ai très bien goûté dans une dégustation comparative à l’aveugle, je prends la précaution de m’assurer qu’en le regoûtant seul dans un autre contexte, comme le fera d’ailleurs mon lecteur, ce vin offre toujours de belles qualités . Ce n’est qu’alors que je déciderai ou pas de le mettre en avant.
De même, il convient de s’assurer que les vins les moins appréciés dans ce type de dégustation continuent à être les moins appréciables lorsqu’ on les goûte dans un contexte différent. Pas de solution miracle : « 100 fois sur le métier tu remettras ton ouvrage »…Goûtez et goûtez, toujours et encore ! Ah la bonne méthode !
Jean-Marc QUARIN
Critique Oenologique
Guide Quarin des vins de Bordeaux: Blind tasting, a necessary, but not always sufficient tool
I am putting into perspective the importance I grant to blind tasting. I consider this practice a necessary, but insufficient tool to assess the full quality of a wine. Necessary to compare and evaluate outside of any suggestions related to the label. Not sufficient, as I noted that in some conditions, its practice leads to biased results that I cannot recommend to my readers.
Like all tools, one must know how to use it. In today’s context of high media exposure for wine, most of these tastings include a large number of samples, required by the constraints of organisation and profitability of time. In all such circumstances, these tastings lead to an over evaluation of the results. This is explained by the fact that too many wines to be tasted kill the wine to be evaluated. A large number of samples saturate perception.
This tool, arising in the name of democracy and in the interest of abolishing the privilege of labels in order to judge more freely, is excellent for determining any effect related to the dilution or concentration of the material of the wine. On the other hand, it is not very reliable in determining the refinement of a wine. Yet, with an equal concentration of material as its neighbour, I consider that the best, the greatest, is precisely the most refined. It is still surprising to see how, in the name of a good idea, one arrives at the opposite of the effect sought!
As a critic, my role consists of first guaranteeing to the reader that the quality of the wine he is about to open and drink is sufficient. If I tasted it very well in a blind comparison tasting, I take the precaution of making sure that by re-tasting it alone in another context, as my reader will do, this wine still offers good qualities. It’s only then that I decide to put it forward or not.
Similarly, it is good to ensure that the least popular wines in this type of tasting continue to be the least popular when tasted in a different context. No miraculous solution: “You will offer your product 100 times to the trade.” Taste and taste, always and again! Ah, the good method!
Jean-Marc QUARIN
Wine Critic
Didier MOINEL DELALANDE