Il s’agit probablement du pont le plus connu de la ville de Paris, pas forcément le plus emblématique. Il offre cependant l’un des plus beaux panoramas sur notre capitale. Son histoire récente fut mouvementée. En effet, en juin 2014, un cadenas de trop entraîna la chute d’une grille du pont. En juin 2015, les grilles polluées par les cadenas des amoureux du monde entier ont été remplacées par des panneaux avec des œuvres street art de Jace, El Seed, Brusk et Pantonio. Ils seront retirés en octobre prochain pour laisser place à des grilles en verre plus conventionnelles.
Le projet de bâtir un pont à cet emplacement date de la construction de l’actuel Institut de France (1663, ancien Collège des Quatre-Nations). Pour des raisons budgétaires, le chantier ne sera lancé que lors de la période du consulat (1799-1802). Bonaparte souhaite l’utilisation des nouvelles technologies de l’époque comme la fonte et nomme Louis-Alexandre de Cessart responsable du chantier. Celui-ci accompagné de son adjoint Jacques Dillon propose un projet à 11 arches en fer et à piles de bois.
La passerelle, construite entre 1802 et 1804, comptera 9 arches de 17, 34 m d’ouverture supportant une plate-forme horizontale formant promenade. Elle est exclusivement réservée aux piétons. Lors de son inauguration le 24 septembre 1803, son succès est tel que près de 65 000 personnes l’empruntent. Financé par des capitaux privés, il est soumis à péage : un sou par personne (jusqu’en 1849). A l’époque, on le compare à un jardin suspendu au dessus des eaux avec ses chaises paysannes et ses arbustes, une « terrasse enchantée » dira Nerval. Même s’il présentait, dès 1844, des fragilités, le pont s’écroule en grande partie après la collision avec une barge en 1979 (son accès était interdit au public depuis 1977). Il ouvre à nouveau au public en 1984 et mesure 155 m de long, 10 mètres de large et repose sur 7 arches symétriques circulaires de 22 m d’ouverture en acier.
De très nombreux artistes l’ont évoqué dans leurs œuvres et de nombreux peintres l’ont représenté. Camus fait dire à Clamence, son héros de La Chute, « J’étais monté sur le Pont des Arts, désert à cette heure pour regarder le fleuve qu’on devinait à peine dans la nuit maintenant venue. Face au Vert-Galant, je dominais l’île. Je sentais monter en moi un vaste sentiment de puissance (…) et, comment dirais-je, d’achèvement qui dilatait mon coeur; J’allais allumer une cigarette (..) quand au même moment, un rire éclata derrière moi. (…) ». Georges Brassens l’évoque dans sa chanson fameuse le Vent « « Si, par hasard /Sur l’pont des Arts /Tu croises le vent, le vent fripon /Prudenc’, prends garde à ton jupon /Si, par hasard /Sur l’pont des Arts /Tu croises le vent, le vent maraud /Prudent, prends garde à ton chapeau (…) ». A l’entrée du pont une plaque rappelle que Vercors rencontrait Jacques Lecomte-Boinet, chef du mouvement « Ceux de la Résistance », pour lui confier des exemplaires des Editions de Minuit destinés au général de Gaulle. Plus récemment, en 2011, des associations de gays et de lesbiennes s’y sont réunies pour une séance de baisers, un « gay kiss-in » lors de la Saint Valentin.
L’illustration de l’article est une aquarelle de Monsieur Michel Colson
Didier MOINEL DELALANDE