Nous arrivons aujourd’hui au Pont d’Iéna qui relie les jardins du Trocadéro à la Tour Eiffel ! Il s’agit probablement d’un des ponts les plus photographiés de Paris tant la vue qu’il offre est merveilleuse et continue de séduire année après année des millions de touristes ou de parisiens qui ne peuvent se lasser d’un tel paysage. Avec sa longueur de 324 mètres, son histoire est peu banale.
Il s’agit d’un des quatre ponts voulus par Napoléon sous le premier empire. Il marque symétriquement l’extension de Paris à l’ouest, reliant la colline de Chaillot, rive droite, où l’Empereur rêve de faire élever un palais pour son fils le roi de Rome, à l’esplanade du Champ de Mars, bornée au sud par les bâtiments de l’École militaire (1765).
Avant sa construction, le pont le plus « occidental » de Paris était le pont de la Concorde à plus de deux kilomètres de là. Le cahier des charges de 1806 stipule qu’il devra « former une communication utile à portée d’un lieu d’exercices militaires, de rassemblements et de fêtes ». La construction du pont est financée par l’Etat, fait assez rare pour l’époque. En 1807, Napoléon stipule par décret qu’il portera le nom d’Iéna en souvenir de sa victoire obtenue sur les prussiens un an plus tôt. Quand en 1817, les armées prussiennes occupent Paris, elles jugent les noms d’Iéna et d’Austerlitz insultant et décident de faire sauter les deux édifices qui devront leur survie à l’action populaire et à celle de Louis XVIII. En contrepartie, les deux ponts seront momentanément rebaptisés Pont du Jardin du Roi et Pont du champ de Mars jusqu’en 1830.
Sept ans au total sont nécessaires pour mener les travaux à leur terme, la réception définitive de la décoration ayant lieu en décembre 1813. François-Frédéric Lemot qui dessine les aigles sur le pont est celui qui a réalisé la deuxième statue d’Henri IV sur le Pont Neuf dont je vous ai déjà parlé dans un autre article. Ils sont sculptés par Jean-François Mouret. Quatre statues équestres qui devaient rendre honneur à des généraux de l’empereur dans ses précédentes campagnes ne verront pas le jour avec la fin de l’Empire en 1815. Jusqu’au dernier quart du XIXe siècle, le pont est peu fréquenté. L’Exposition universelle de 1878, l’aménagement de la colline de Chaillot et la construction du Palais du Trocadéro par Gabriel Davioud et Jules Bourdais contribuent à l’augmentation de sa fréquentation.
Réaménagé et agrandi par la suite à l’occasion des différentes expositions universelles de Paris, le pont gagne en largeur, en longueur et en fréquentation. Pour l’Exposition de 1900 sont aménagés des encorbellements métalliques de part et d’autre du tablier élargi de 10 m. Provisoire, ce dispositif est maintenu pendant plusieurs années. Ce n’est qu’en 1937 pour l’exposition des arts et des techniques que les travaux d’agrandissement son menés. Rappelons qu’aujourd’hui, les berges de Seine entre le Pont d’Iéna et le Pont de Sully sont classées au patrimoine de l’humanité.
Gauguin prend ce pont comme sujet d’un de ses tableaux de la période impressionniste. Le poète-romancier et agent des ponts et chaussées, Ernest d’Hervilly (1839-1911), lui a consacré un poème « Sur le pont d’Iéna » dans son recueil « Les Baisers ». En 1900, Louis Lumière y tourne un film d’une minute. Dans « La Recherche », Marcel Proust décrit le spectacle de pauvresses couchées qui ont trouvé là un refuge. Robert Doisneau dans un célèbre cliché d’août 1944 l’immortalise servant de plongeoir à des baigneurs insensibles aux combats de Libération de Paris qui se déroulent à deux pas.
Après le Pont d’Iéna, il ne me reste plus que cinq ponts pour conclure cette chronique entamée il y a plus d’un an.
L’image d’illustration est de Monsieur Olivier Marchand
Pont d’Iéna
Today we’re on the Pont d’Iéna that links the Trocadero Gardens to the Eiffel Tower! It is probably one of the most photographed bridges in Paris and continues to attract millions of tourists and locals every year who never tire of the panorama. It is 324 metres long and its history is anything but ordinary.
It was one of the four bridges that Napoleon planned to build at the time of the First Empire. The bridge symmetrically marked the westernmost edge of Paris at the time, connecting Chaillot Hill on the Right Bank, where Napoleon dreamed of erecting a palace for his son the King of Rome, to the Champs de Mars esplanade, with the Military School (1765) buildings on the south side.
Before the Pont d’Iéna was built, the western-most bridge in Paris was the Pont de la Concorde two kilometres away. The 1806 specifications for the new bridge stated that it should “constitute a useful point of passage within range of military exercises, gatherings and public celebrations”. Construction of the bridge was financed by the state, which was quite rare at the time. In 1807, Napoleon decreed that it would be called Iéna (Jena) in memory of his victory over the Prussians at the Battle of Jena a year earlier. When the Prussian Army occupied Paris in 1817, they thought the names Iéna and Austerlitz insulting and decided to destroy the two structures, which only survived thanks to popular action and the intervention of Louis XVIII. However, the two bridges were temporarily re-named Pont du Jardin du Roi and Pont du Champ de Mars up until 1830.
It took seven years in all to complete the building work; the fully decorated structure was finally handed over in December 1813. François-Frédéric Lemot, who designed the eagles on the bridge, also created the second statue of Henri IV on Pont Neuf that I’ve already mentioned in a previous post. The eagles were sculpted by Jean-François Mouret. Four equestrian statues that were planned to pay tribute to Emperor Napoleon’s generals in earlier campaigns never saw the light of day due to the fall of the Empire in 1815. Until the last quarter of the 19th century, the bridge was little used. The Universal Exposition (World’s Fair) in 1878, the work done on Chaillot hill and the building of the Trocadero Palace by Gabriel Davioud and Jules Bourdais were all contributory factors to increasing traffic on the bridge.
The bridge was successively altered and extended with the different World’s Fairs that were held in Paris, becoming wider, longer and busier. For the World’s Fair in 1900, metal overhangs were added to widen the deck by 10 metres. This was just a temporary modification that lasted a few years only. It wasn’t until the Exposition of Art and Technology in 1937 that permanent bridge-widening work was carried out. And of course today, the banks of the Seine between Pont d’Iéna and Pont de Sully are now UNESCO’s World Heritage sites.
Gaugin used the bridge as a subject for one of his paintings from the Impressionist period. Ernest d’Hervilly (1839-1911), the poet-novelist who worked for the Department of Civil Engineering wrote a poem entitled “On the Pont d’Iéna” which appears in his collection “Les Baisers”. In 1900, Louis Lumière made a one-minute-long film on the bridge. Marcel Proust, in “In Search of Lost Time” described a scene of women paupers sleeping under the bridge. Robert Doisneau immortalised the bridge in a famous photograph from August 1944 showing bathers diving from the bridge, unaware of the fighting to liberate Paris that was going on just around the corner.
After the Pont d’Iéna, I’ve only got five more bridges left to finish this column that I began over a year ago.
Didier MOINEL DELALANDE